Le système de sécurité alimentaire du Canada devrait empêcher les aliments dangereux de parvenir à nos bouches. Mais est-ce suffisant de partager l’information avec le public? Un expert nous donne son opinion.
Ainslie Butler et Lindsay Jolivet, co-éditrices, Santé, médecine et science vétérinaire
Des bactéries au plastique, en passant par des noix bien camouflées, la liste des contaminants qui peuvent se cacher dans votre nourriture est longue.
L’agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) publie plusieurs rappels par semaine pour des aliments contaminés. Ils peuvent viser n’importe quoi, du poulet congelé aux desserts préparés. En novembre seulement, il y a eu des rappels pour du caviar de saumon, des languettes de poulet Maple Leaf, du fromage Comté, et plusieurs autres.
Un rappel peut être initié par plusieurs facteurs, par exemple un audit par l’ACIA, une intoxication, ou des plaintes de consommateurs. Dans un tel cas, l’ACIA enquête et décide du niveau de danger pour la santé publique. L’agence décide si un avis de rappel sera effectué, quand il sera effectué, et quelle information sera divulguée. Un rappel peut se produire discrètement en retirant simplement le produit des étalages. Certains avis de rappel peuvent être publiés en ligne. Les rappels à grande échelle pouvant avoir des conséquences graves pour la santé publique, tel le récent rappel de poulet congelé Maple Leaf, peuvent même être diffusés dans les médias.
Toutefois, selon Ben Chapman, professeur adjoint à l’université de Caroline du Nord et spécialiste des programmes de sécurité alimentaires, les méthodes employées par les agences telles que l’ACIA ne sont pas toujours cohérentes.
“Je crois qu’en général, les gens responsables de la sécurité alimentaire (au Canada et aux États-Unis), ne font pas un travail satisfaisant quand vient le temps de fournir les éléments de preuve ou la méthode scientifique sur lesquels se basent leurs décisions légales,” nous dit le docteur Chapman.
Chapman est d’origine canadienne et a étudié à l’université de Guelph, où se situe l’institut canadien pour la recherche en sécurité alimentaire. Il co-présente le balado Food Safety Talk, dans lequel il explique des cas de rappel d’aliments et de vagues d’intoxication importants. Plus tôt cette année, il a publié un article dans le Journal of Environmental Health déplorant l’absence de procédures constantes pouvant guider les agences de santé publiques au moment de choisir l’information à divulguer au public. L’article exigeait une divulgation publique rapide et donnait, à cette fin, certaines lignes directrices à suivre par les autorités.
“Les législateurs, dans la plupart des juridictions, n’ont pas de plan concret pour guider leurs décisions sur le moment, la façon et les limites applicables en ce qui concerne l’information divulguée au public; et c’est le cas dans tous les pays,” explique Chapman.
Il nous raconte que l’ACIA est plus réticente que sa contrepartie américaine, la Food and Drug Administration (FDA), à divulguer l’information sur les compagnies concernées par un risque alimentaire.
“Ma citation favorite provenant d’un officiel de l’ACIA sur ce sujet est très condescendante,” explique Chapman, en citant un article de 2009 dans le Globe and Mail, dans lequel un officiel disait que le fait de diffuser automatiquement des avis pour tous les rappels alimentaires pourrait faire paniquer les consommateurs quand les risques sont généralement assez bas. Chapman et ses co-auteurs mentionnent qu’il a peu de preuves indiquant que le fait de minimiser l’information divulguée est réellement bénéfique pour les consommateurs; l’intention étant d’éviter d’inonder le public d’avis concernant les risques alimentaires. Il se pourrait en effet que retenir l’information signifie qu’un plus grand nombre de consommateurs achète et consomme les aliments contaminés avant qu’ils ne soient rappelés.
L’ACIA et la FDA ont signé en octobre un protocole d’entente afin de partager les données concernant la sécurité alimentaire, et de faciliter la collaboration pour la recherche. Chapman ne sait pas si celui-ci améliorera réellement la communication entre les deux pays à propos des risques alimentaires.
Que devez-vous faire si vous avez acheté un aliment concerné par un rappel? Si vous croyez avoir consommé l’aliment et que vous ne vous sentez pas bien, consultez un médecin. Si vous avez l’aliment en question chez vous, jetez-le ou rapportez-le au magasin où vous l’avez acheté.
Pour l’instant, la seule chose à faire est de rester à l’affut pour toute information au fur et à mesure qu’elle devient publique. Et gardez l’Å“il ouvert avant de manger vos raisins, des araignées pourraient s’y cacher.
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Photo : L’ACIA et la FDA ont émis des rappels pour plusieurs aliments préparés contenant du poulet dans les dernières années. Photo par JESHOOTS, CC0, via Pixabay.
Cet article à été traduit par Dominique Melançon. Read the original article in English.