S’établir sur Mars? Ce n’est pas parce qu’on peut qu’on doit le faire…

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Tanya Samman et Alina C. Fisher, coéditrices, Environnement et sciences de la terre

Mars… c’est un sujet chaud en ce moment. Mais la Terre aussi après tout; elle se réchauffe grâce aux changements climatiques causés par les humains.

La vie sur Terre changera de façon dramatique dans un futur rapproché; la fonte des calottes glaciaires fera augmenter le niveau des océans et inondera les villes côtières, les réserves de nourriture seront perturbées et le nombre de gens qui devront se déplacer à cause de ces changements, et bien d’autres, augmentera.

Devrait-on se diriger vers de plus verts (ou dans ce cas-ci, plus rouges) pâturages et s’établir sur Mars? Au Canada et partout dans le monde, des chercheurs étudient cette possibilité.

Le Canada participe à la recherche sur Mars depuis longtemps. Sur l’île de Devon dans l’extrême arctique canadien, des scientifiques testent des équipements comme des rovers, des combinaisons spatiales et des habitations, car son environnement rappelle celui de Mars. Six canadiens se trouvent parmi les 100 candidats favoris pour un voyage aller seulement vers Mars débutant en 2024, voyage faisant partie du projet Mars One.

La psychologue canadienne Natalie Allen fait partie d’une équipe qui étudie la cohésion et les conflits de groupe, et a prit part à la simulation AMADEE-18 à Oman en février 2018, qui reproduisait des conditions de la planète Mars. L’ingénieur de Calgary Zac Trolley a réussi à s’intégrer à un projet de simulation de deux semaines à la station Mars Desert Research Station (MDRS) près de Hanksville en Utah, et espère pouvoir contribuer à envoyer des gens sur Mars, et peut-être y aller lui-même!

Aux États-Unis, la cinquième mission de simulation de Mars du programme Hawaii Space Exploration Analog and Simulation (HI-SEAS), financé par la NASA et opéré par l’université d’Hawaii, se termina le 17 septembre 2017. Ce programme étudie la façon dont les groupes de voyageurs interplanétaires travailleraient ensemble, en habitant dans des quartiers exigus pendant le longues missions. Après la mission, Mars Generation a fait une entrevue avec les membres de l’équipage, ce qui nous donne une idée de ce que seraient les conditions de vie sur Mars.

 

Échéancier

Plusieurs personnes et organisations font de toute évidence déjà partie de l’équipe #MarsShot. Mais à quoi peut-on s’attendre comme échéancier? Voici quelques points saillants sur la façon dont ça pourrait se dérouler (vous pouvez voir des projections plus détaillées ici).

Infographie : Alina Fisher

Mais attendez une minute! C’est bien beau, tout ça, mais ce n’est pas tout le monde qui ira sur Mars; qu’arrive-t-il aux autres? Qu’arrivera-t-il sur Terre? Les projections pour le climat de la Terre pour les prochaines centaines d’années ne sont pas belles à voir. Mars est-elle réellement une alternative viable, même si cela veut dire que plusieurs d’entre nous seront laissés à eux-mêmes sur la Terre et son habitat de plus en plus austère?

 

Conditions

Nous savons que les conditions terrestres sont idéales pour l’existence de la vie telle qu’on la connaît. De quelle façon Mars se compare-t-elle à la Terre?

Une vue de la Terre et de Mars. Crédit photo : NASA

Mars semble être un bon choix pour une colonisation, et n’est pas très différente de la Terre, du moins en surface. Le diamètre de Mars fait la moitié de celui de la Terre, avec environ la même durée de jour, mais l’année est deux fois plus longue. Par contre, la gravité marsienne est 40 fois moindre que sur la Terre et l’atmosphère est 100 fois moins dense, en plus de ne contenir pratiquement pas d’oxygène (0.13 % de l’atmosphère). La majorité des formes de vie terrestres ont besoin d’oxygène pour survivre. De plus, Mars n’a pas d’eau liquide, de tectonique des plaques (qui recycle les éléments chimiques nécessaires à la vie) ou de champ magnétique (qui protège la surface de notre planète de radiations dangereuses); caractéristiques que la Terre possède toutes.

Hmmm… Mars n’est plus très attrayante maintenant. Il faudrait beaucoup de travail pour en faire une option viable. Les pires conditions sur la Terre sont quand même meilleures que les meilleures conditions sur Mars. La vie sur Mars est loin d’être idéale pour plusieurs raisons; le risque de geler, de mourir de faim, d’étouffer, d’être empoisonné par des radiations… et il faut d’abord réussir à s’y rendre.

 

Obstacles à franchir

Est-ce qu’on peut vraiment se rendre sur Mars? Plusieurs pays et agences spatiales ont lancé des missions vers Mars, mais seulement 20 missions sur 43 ont réussies ou partiellement réussies; cela représente un taux de réussite d’environ 47 %. Il y a eu tellement d’échecs que certaines personnes attribuaient la perte des sondes à une Grande Goule Galactique. Ce fait, qui porte à réfléchir, pourrait être suffisant pour calmer les ardeurs de quiconque pensait aller sur Mars. Ça, mais aussi le fait qu’on n’a toujours pas réussi à bâtir un biôme clos auto-suffisant, qui serait absolument nécessaire à la vie sur Mars. Pourtant, certaines missions ont étonné tout le monde tellement elles ont eu du succès; je parle de toi, Spirit et Opportunity.

 

Une photo de l’ombre du rover Opportunity de la NASA sur Mars. Crédit photo : NASA/JPL-Caltech

La production d’énergie pose également problème. Mars reçoit environ l’équivalent de 43% de la lumière solaire que la Terre reçoit, et la poussière marsienne rendra les panneaux solaires inefficaces pour les colonies. Qu’en est-il de l’énergie nucléaire? Le projet Kilopower de la NASA espère résoudre le problème énergétique en utilisant un réacteur à fission nucléaire compact (environ la taille d’un rouleau de papier de toilette) qui utilise un cÅ“ur de réacteur à l’uranium-235. Toutefois, d’autres chercheurs croient que l’utilisation du thorium est une meilleure idée, bien que nous soyons limités dans chaque cas par la quantité d’approvisionnement locale comparée à l’expédition, sans parler des défis techniques de l’extraction et du traitement du minerai local sur Mars.

Les humains ont besoin de beaucoup d’autres ressources essentielles qui devraient être produites sur Mars afin d’assurer le succès et l’indépendance d’une colonie. Un système d’utilisation des ressources in situ a été proposé pour produire de l’air, de l’eau et du carburant methalox, ainsi que de l’acier, des briques, du ciment, des fertilisants de base, des plastiques et des produits de silice (comme des panneaux de verre), mais cela reste toutefois une technologie dont l’efficacité n’a pas été prouvée.

 

Quelques considérations éthiques

Même si on arrive à surmonter tous les défis techniques, ce n’est pas parce qu’on peut le faire qu’on doit le faire, citation d’Ian Malcolm (joué par Jeff Goldblum) dans le film Jurassic Park. Est-ce qu’il déjà de la vie sur Mars? On ne le sait pas avec certitude, alors devrait-on risquer la contamination? Qu’en est-il des dépenses et matériaux qui sont nécessaires pour envoyer des gens sur Mars et leur assurer les ressources requises pour leur survie? Est-ce que ces ressources devraient plutôt être utilisées pour aider à résoudre les problèmes qu’on a ici sur la Terre, en considérant que la majorité des gens ne quitteront jamais cette planète? S’il faut bâtir quelque chose pour nous permettre de survivre sur Mars, pourquoi pas le bâtir ici? Et qui nous dit qu’on ne va pas simplement finir par détruire Mars, comme on l’a fait avec la Terre?

Nous encourageons l’étude de Mars pour des raisons scientifiques, mais nous pensons que les efforts visés à rendre une planète plus hospitalière devrait être utilisés pour résoudre les problèmes de changements climatiques ici sur Terre avant de vouloir coloniser d’autres planètes.

~30~

 

Image de la bannière: Daybreak at Gale Crater, Mars (image de synthèse). Crédit d’image: NASA / JPL-Caltech

Cet article a été publié en anglais le 14 mai 2018 à Science Borealis. Il était traduit par Dominique Melançon.

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